Les Dossiers Bangle : #6 | Le Loyaliste

BANQL’entraide, voilà le mot clé. Je ne me souviens pas de la date exacte à laquelle j’ai « rencontré » virtuellement Judith Bangle Persin pour la première fois, mais je me rappelle très bien de la période où je me rendais régulièrement à Bibliothèque et Archives nationales du Québec pour faire des recherches sur les notaires de Terrebonne pendant que, de son côté, Judy visionnait des microfilms qu’elle avait commandés au Centre d’histoire familiale de sa ville, à l’autre bout du continent.

Voyez-vous, il y a de fortes chances que Judy puisse être ma cousine, car il est très possible qu’elle soit une descendante de Joseph-Hippolyte, fils de William Bangle et de Marie Tourville. Ce fait reste encore à prouver (et nous travaillons très fort pour y arriver), mais, patience, nous y reviendrons dans un prochain article. Tout ça pour vous dire que Judy a effectué un travail de recherche colossal sur les Bangle et que ses efforts ont porté fruit : elle a déniché de véritables trésors sur la lignée qui nous intéresse.

Comment Adam Bangle s’est-il établi à Terrebonne? Lisez plutôt la formidable trouvaille que Judy a faite à ce sujet:

[Page 29]
Estimation des biens mobiliers et immobiliers d’Adam Bangell, dans le comté d’Albany, dans la Province de New York, à leur valeur en date d’avril 1775

Une terre de 30 acres défrichée et clôturée à 5 livres 4 shilings l’acre
Une grande maison avec puits, grange et étables
3 juments à 15 livres chacune et 5 vaches laitières à 5 livres chacune
1 étalon à 10 livres et 3 génisses âgées de 3 ans à 3 livres chacune
4 moutons à 12 shillings chacun et 3 truies reproductrices à 1 livre chacune
7 verrats à 2 livres chacun et 1 sanglier à 2 livres 10 shillings et 4 cochons à 16 shillings
1 grand pot en fer à 1 livre 16 shillings, 2 petits pots en fer 16 shillings
2 charrues à 2 livres chacune, 2 paires de harnais à 2 livres chacune et une poêle à frire 8 shillings
4 haches à 8 shillings chacune, 4 binettes à 6 shillings chacune et 1 scie à main 8 shillings
Burins, 1 gouge, plans, seaux, tonneaux et bidons pour le lait 8 shillings
1 petit rouet pour le lin
18 ____? seigle 2 livres 14 shillings et 5 boisseaux de blé & grains concassés 10 livres
Pois, patates, chou, oignons, betteraves, radis, etc. 8 shillings
Grande remise pour le grain et volailles de toutes sortes

[Page 30]
Une nouvelle réclamation
Montréal le 13 nov. 1787
Preuves à l’appui de la réclamation d’Adam Bangell autrefois du comté d’Albany, Province de New York

(en marge : le déposant a prêté serment)

Il dit qu’il était un soldat du régiment de Sir John Johnson en 1783, en devoir militaire à Montréal et qu’il avait remis sa réclamation à son supérieur.

(en marge : son fils Jean Bangle sert d’interprète au déposant qui est Allemand)

Il est natif d’Allemagne et est venu en Amérique en 1765. En 1775, il vivait aux abords de la rivière Mohawk. En aucun temps il ne s’est joint aux Rebelles. Il est arrivé au Canada en 1782.

C’est un vieil homme et il n’a pu franchir les lignes britanniques plus tôt. À son arrivée, il s’est enrôlé dans le régiment de Sir John Johnson, il réside à Terre Bonne à présent.

Propriété
Terre de 100 acres sur la rivière Mohawk
Acquise lors de son arrivée en Amérique. Il a déboursé 20 livres pour l’acquérir. Il a défriché 30 acres, possédait une maison et une étable. Il avait quatre chevaux, 6 vaches, du maïs, etc.

Jean Bangle jure que ce qui précède est la vérité.

3081_loyalists_1020

Encampment of the Loyalists in Johnstown, a new settlement on the banks of the River St. Lawrence, in Canada West, August 12, 1925. J. R. Simpson James Peachey (after) Watercolour. Reference Code: RG 2-344-0-0-89. Archives of Ontario, I0003081

Un loyaliste! Adam Bangle était un loyaliste! Et son fils Jean est à ses côtés en ce jour de novembre 1787 à Montréal. Ils n’étaient donc pas en mauvais termes à cette époque; rappelez-vous ce détail du testament d’Adam : celui-ci y déclarait ne rien laisser à Jean, pour « des raisons de lui connues ». Personnellement, je suis toujours d’avis que Jean avait peut-être reçu sa part d’héritage à l’occasion de son mariage avec Josephte Allaire (comme c’était parfois le cas), mais bien sûr, je peux me tromper, ce n’est que pure spéculation de ma part.

Tant d’informations en si peu de lignes! Que tire-t-on de ce simple bout de papier : Adam est Allemand, ça c’est clair; c’est en 1765 qu’il est arrivé en Amérique; il vivait aux abords de la rivière Mohawk; il faisait partie du régiment de Sir John Johnson; et il résidait à Terrebonne en 1787.

Vous me voyez venir, n’est-ce pas? Vous avez déjà une bonne idée de la direction que prendront mes prochains articles!

Le texte qui précède porte l’en-tête suivant : A New Claim (i.e., une nouvelle réclamation). C’est pendant mon séjour à Salt Lake City, plus précisément à la Family History Library, que j’ai eu la chance (et le bonheur!) de mettre la main sur la version manuscrite de ce document (sur microfilm); la version imprimée, elle, est accessible sur Internet. En fait, j’ai épluché tous les instruments de recherche portant sur les Loyalistes à ma disposition, et j’ai littéralement sauté de joie lorsque j’ai trouvé la réclamation antérieure à celle mentionnée ci-dessus :

[Page couverture]
No 1124
Réclamation pour les États-Unis

Adam Bangell
Nouvelle réclamation
[_____] 1786

Preuve _____ reportée (?)
29 juin 1787
[Page 165]
Adam Bangell, autrefois du comté d’Albany et de la Province de New York, résidant à présent dans le District de Montréal et Province de Québec, prête serment et déclare qu’il résidait dans le district de Montréal du 15 juillet 1783 au 25 mars 1784 et qu’il était dans l’impossibilité de présenter ou de livrer aux commissaires nommés par une loi du Parlement promulguée dans la 23e année du règne de sa Majesté, intitulée Loi pour la nomination de commissaires afin d’enquêter sur les pertes et les services des personnes qui ont été lésées dans leur droits, biens et professions au cours de la dissenssion malheureuse qui s’est produite en raison de leur loyauté envers sa Majesté et de leur attachement au gouvernement britannique, ou à leurs bureaux, toute réclamation ou demande pour l’obtention d’une aide ou d’un secours en raison des pertes subies par le déclarant par suite de la dissenssion malheureuse en Amérique dans la période prévue par ladite loi, le déclarant ayant résidé au cours de cette période, soit du 15 juillet 1783 au 25 mars 1784, dans le district de Montréal alors qu’il remplissait son devoir de soldat jusqu’au 24 décembre 1783, ce qui l’a empêché de présenter ladite réclamation. De plus, le déclarant prête serment à l’effet que la présente estimation de trois cent quarante-cinq livres, huit shillings et six pence, cours de New York, est, à sa connaissance, juste et véridique.

Déclaré devant moi le
9 mars 1786
(signé) L. Anderson, C.P.     (signé) Adam bingal

Estimation des biens mobiliers et immobiliers d’Adam Bangell, dans le comté d’Albany, dans la Province de New York, à leur valeur en date d’avril 1775 [La liste est identique à celle ci-dessus]


Les deux listes de biens sont identiques, mais la déposition comme telle comporte de nouvelles informations :

Adam habitait dans le comté d’Albany, dans la Province de New York, et, du 15 juillet 1783 au 25 mars 1784, il se trouvait à Montréal, où il s’acquittait de son devoir de militaire. Et quoi d’autre?

C’est ce document qui m’a permis de lire la véritable signature d’Adam pour la toute première fois! N’est-ce pas merveilleux? Parce que, rappelez-vous, bien qu’il aurait été apte à signer (il savait écrire), il était trop souffrant au moment de la rédaction de son testament pour pouvoir le faire lui-même.

adam signature 1786Comme rien n’est parfait, cette intéressante découverte comporte tout de même un bémol; nous ne savons pas combien Adam a reçu pour le règlement de sa réclamation. Oui, bien sûr, la bibliothèque en avait une copie sur microfilm, mais la page 94 du document est manquante. Devinez sur quelle page on pouvait lire le règlement d’Adam? Eh oui!

Il y a environ une décennie de cela, Judy a découvert la date exacte de l’arrivée d’Adam en Amérique. Et, pour ma part, il y a moins de deux mois, j’ai trouvé quelque chose à ce propos de vraiment excitant!

L’entraide, disais-je; et que dire de la persévérance?

On se revoit dans deux semaines!


Documents en PDF que vous pouvez télécharger :


Pour parcourir les articles connexes portant sur Les Dossiers Bangle, veuillez consulter la page d’introduction