Les Dossiers Bangle #26 : William Bangle, le voyageur

Selon les registres de baptême et les actes notariés, William Bangle a exercé divers métiers au cours de sa vie; tour à tour farinier, maître farinier, laboureur, agriculteur, journalier ou habitant. De nobles et essentiels gagne-pains; mais peu aptes à faire rêver ou à combler l’amateur de sensations fortes. Je vais sans doute vous surprendre, mais l’existence de William n’a pas été dépourvue d’aventures.

William a également été voyageur.

Pour ceux d’entre vous qui ne seraient pas familiers avec l’histoire du Québec et du Canada, un voyageur était un coureur des bois, un avant, un milieu ou un gouvernail à bord d’un canot, et un guide à l’emploi d’une compagnie de fourrures. Sa mission consistait à approvisionner les postes de ces compagnies en régions éloignées et, quelquefois, d’y hiverner.

La Vie des voyageurs publié en 2013 par la Compagnie de la Baie d’Hudson, disponible en format PDF et pouvant être téléchargé ici, nous apprend ceci :

« Tous les printemps, vers le 1er mai, des brigades de canots chargés de marchandises de traite, de fournitures et de passagers à destination des forts et des postes quittent Montréal pour atteindre la rive ouest du lac Supérieur vers la mi-juin. Les voyageurs se déplacent en brigades de cinq grandes embarcations appelées canots du maître. Chaque canot embarque un équipage composé d’un avant, ou homme de proue, qui fait office de navigateur, d’un certain nombre de milieux, membres de l’équipage les moins expérimentés pagayant au milieu de l’embarcation, et d’un gouvernail ou timonier, assis ou debout à la poupe et dirigeant le canot selon les instructions de l’avant. […]

Il faut compter de 12 à 16 semaines pour parcourir la distance aller-retour entre Montréal et le lac Supérieur. Les voyageurs pagaient du lever au coucher du soleil et transportent à dos d’homme de lourds ballots de marchandises lors de portages éreintants. Les risques sont nombreux; beaucoup périssent noyés et les fractures, tours de rein, hernies et rhumatismes sont monnaie courante. […]

Plus petits que les canots du maître, les canots du Nord, utilisés pour voyager à l’ouest du lac Supérieur, embarquent un équipage de cinq hommes. […] Grand Portage est le point de rencontre des voyageurs de Montréal et un lieu où d’autres voyageurs passent l’hiver. »

Le 30 novembre 1802, William Bangle, de la paroisse de Terrebonne, est à Montréal chez le notaire public Jonathan A. Gray pour signer un contrat d’engagement envers Alexander Mackenzie et Compagnie aux fins d’un voyage à destination de Grand Portage en qualité de milieu de canot, de chasseur et d’hivernant. Si besoin est, William sera tenu de voyager dans les dépendances du Nord. Son salaire se chiffre à 1 800 livres (y compris une avance de 600 livres à la signature du contrat). On constate à sa lecture que ce document a été rayé. Il a effectivement été annulé, puisque le 11 mars 1803, William signe un nouveau contrat d’engagement, en tout point identique au premier, à deux exceptions près : celui-ci le liera pour une durée de deux ans, et son salaire, ajusté en conséquence, sera de 3 300 livres (y compris une avance de 1 080 livres à la signature de ce contrat).

Philip John Bainbrigge (C-024163) | Bibliothèque et Archives Canada | Library and Archives Canada

Vers le 1er mai 1803, voici donc notre William quittant Montréal pour Grand Portage. Âgé de 37 ans, il laisse derrière lui Marie Tourville, sa femme, et leurs cinq jeunes enfants, soit William, 7 ans; André, 6 ans; Marie-Madeleine, 3 ans; Pierre, 2 ans; et Charles, 9 mois.

Tel qu’il appert des actes paroissiaux de Terrebonne, William Bangle y était en juillet 1802, pour le baptême de son fils Charles, ainsi qu’en septembre 1806, pour celui de son fils Joseph-Hippolyte.

Est-ce à dire qu’aucun nouveau-né ne serait venu agrandir la famille pendant quatre ans? Certes, on peut attribuer cette situation à une fausse couche ou encore à un acte de baptême introuvable. Mais trêve de suppositions… votre détective préférée a fouillé un peu et voici ce qu’elle en a déduit.

William était bel et bien de retour en octobre 1805, puisqu’il était en compagnie du notaire public Joseph Turgeon, finalisant la vente d’une terre qu’il possédait à Terrebonne. En résumé, nous pouvons conclure que William a été absent de la maison du printemps 1803 à l’automne 1805.

Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblait le quotidien de l’épouse d’un voyageur (et de celui de ses enfants) durant son absence?

Eh! bien, j’ai déniché un document très intéressant qui évoque concrètement la dure réalité à laquelle Marie devait faire face alors que William pagayait sans relâche.

Tous les détails dans deux semaines!


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