Mes cousins américains : 52 ancêtres en 52 semaines : #15 Delima Lanoville Betournay (1877-1956)

D’aussi loin que je me souvienne, quand ma mère et moi feuilletions les vieux albums de photos de famille, je lui posais inévitablement cette question :

— C’est qui ces gens-là?

— Mes cousins américains; ils habitent à Cohoes, dans l’État de New York, me répondait ma mère. Quand j’étais jeune, durant l’été, on partait en auto toute la famille pour aller les visiter, et même mes grands-parents étaient du voyage.

Il y a environ six ans, je racontais à ma mère mes dernières découvertes. Je dois avouer que ma mère ne partageait pas ma passion pour la généalogie, mais généreuse, comme toujours, elle écoutait avec intérêt, puis soudain elle me dit :

— Penses-tu que tu pourrais trouver quel était le lien de parenté avec eux?

Aussi surprise que ravie par sa demande, je me lève et en moins deux, je suis devant l’ordinateur, la bouche fendue jusqu’aux oreilles.

— De quoi te souviens-tu à leur sujet?

— La plus âgée du groupe, c’était Delima Betournay, et son mari s’appelait Sam. Son nom de fille était Denis (ou Lanoville, car Denis est un surnom), parce qu’elle était parente avec mon grand-père du côté de mon père, Joseph Denis. Delima avait trois filles : Rose, Laura et Rita. Leur adresse était le 63 White Street à Cohoes.

— Rose! Celle qui nous envoyait des cartes de Noël quand j’étais petite? dis-je.

— Oui, répondit ma mère. Rose était mariée avec Howard Van Buskirk; Laura était mariée avec Sylvester Moak; et Rita… Bien, Rita, je ne me souviens pas du nom de son mari, mais par contre je sais qu’elle avait une fille qui s’appelait Marylin.

— Maman, va chercher l’album photo!

cohoes4

Premier rang : Hélène Denis, Marilyn Campbell; deuxième rang : Annette Denis, Manda Bergmann, Delima Lanoville Betournay, Florida Denis Deadware, Adolida Denis; troisième rang : Joseph Bergmann, Sam Betournay, Arthur Denis, Philip Deadware, personne inconnue

— Tiens, tu vois… Marilyn, Manda, Florida, Delima, Sam, Philip… Je me souviens aussi de George Denis et de sa femme, Anna Daus, mais ces deux-là par contre, je ne les vois sur aucune photo, continua-t-elle.

— Attends… C’étaient tous des Denis?

— Manda est la sœur de Delima. Son mari s’appelait Bergmann. Florida était mariée avec Philip Denis, dit-elle.

— Donc, il était le frère de Delima, c’est ça?

— Je pense que oui, dit-elle d’un ton hésitant.

— Mais t’es pas certaine?

— Oui, il s’appelait Philip Denis, insista-t-elle.

Il n’en fallait pas plus pour piquer ma curiosité. J’ai donc décidé de rechercher Delima dans les registres de Montréal car un fait était indubitable : elle avait émigré aux États-Unis. Lanoville étant un patronyme somme toute assez rare, je l’ai retracée assez facilement. Elle a été baptisée le jour de sa naissance, le 10 février 1877, à Montréal (paroisse Sacré-Cœur). Ses parents, Antoine Lanoville et Adélaïde Biette (ou Billette), se sont mariés à Montréal en 1866. Antoine Lanoville? Ce nom m’est familier, et comment! Mon arrière-arrière-grand-père s’appelait Antoine Lanoville. Il s’avère que le père de Delima était en fait issu du premier mariage de mon arrière-arrière-grand-père avec Adélaïde Laurendeau.

— Hey, maman, j’ai trouvé! Delima n’était pas la cousine de ton grand-père, elle était sa demi-nièce, lui annonçai-je triomphalement.

— Demi-nièce…?

Lien Delima JosephMa mère était certes comblée par ma découverte, mais moi j’étais déjà excitée à la perspective de poursuivre encore un peu mes recherches.

Je décidai donc de consulter le recensement de l’année 1900, espérant y repérer Antoine et Adélaïde Biette à Cohoes. Je ne fus pas déçue.

1900 antoine page 11900 DelimaLes informations les plus intéressantes à mon avis dans un cas comme celui-ci sont celles révélées par les rubriques requérant les renseignements suivants : « De combien d’enfants êtes-vous la mère », et « Combien de ces enfants sont toujours vivants » Oh! Mon Dieu, elle a eu seize enfants dont sept sont toujours vivants en 1900! En 1878, ils ont émigré aux États-Unis et y ont obtenu la citoyenneté américaine. Je ne connais pourtant les noms que de cinq enfants : Delia, Manda, Florida et Duvola (George), et Delima, mariée avec Sam. Florida…?

— Maman! Es-tu bien certaine que le nom de famille de ton Philip était Denis? Regarde, Manda est là et elle a une sœur prénommée Florida. Est-il possible que ce soit plutôt Florida qui était une Denis?

— J’en ai aucune idée, dit-elle.

Alors que j’entrais cette information sur Ancestry, le nom de Marilyn me donna vite un indice. Ça provenait de l’arbre d’un autre membre et comportait même une photo d’elle à l’âge adulte. Elle était décédée depuis plus d’une vingtaine d’années.

— Marilyn est décédée?! s’exclama ma mère, incrédule. Marilyn était beaucoup plus jeune qu’elle.

J’ai donc joint Marilyn à mon arbre. Peu de temps après, je recevais un message de quelqu’un qui se demandait bien pourquoi sa mère était soudainement reliée à mon arbre. Et voilà! C’est ainsi que cousin Frank et moi avons fait connaissance.

Quelque temps après cette fructueuse soirée, j’ai eu l’opportunité d’examiner les registres de l’église de Cohoes et je suis tombée sur Albina (1875-1910), mariée à Clément Lacombe, et Joseph (env. 1870-?), marié à Marie-Louise Michaud.

Résolue à venir à bout de toutes les interrogations que ma mère pouvait encore avoir sur le sujet, mais surtout dans le but de lui faire plaisir, je l’invitai l’été suivant à faire un pèlerinage à Cohoes. Elle était tellement heureuse. Elle a pu revoir la maison de White Street. Nous avons aussi visité le cimetière St. Agnes; bien que nous n’y ayons pas trouvé la pierre tombale de Delima et Sam, nous y avons aperçu celles d’autres parents de ma mère, ce qui lui aura au moins permis d’apprendre en quelle année ceux-ci étaient décédés. Autant de gens, autant d’anecdotes qu’elle se plaisait à me raconter; elle adorait parler du bon vieux temps.

Cousin Frank m’apprit plus tard que Delima et Sam étaient plutôt inhumés au cimetière St. Joseph. Ma mère et moi sommes retournées à Cohoes, mais déception : bien que nous ayons pu y localiser d’autres membres de la famille, toujours pas de trace de Sam et Delima. Je devrai donc poursuivre mes recherches afin d’identifier dans quel lot exactement ils ont été enterrés.

Dernièrement, alors que je jetais un coup d’œil à l’arbre d’un membre sur Ancestry, j’ai appris qu’un Philip Deadware était marié à une Florence Denis! Grâce à newspapers.com (auquel je me suis abonnée récemment), j’ai pu lire tous les avis de décès les concernant. Ce qui m’a permis de confirmer que Philip Deadware était bel et bien le « Philip Denis » de ma mère. Maman, où que tu sois, je l’ai finalement RETROUVÉ!

Pourtant, malgré toutes ces petites victoires, l’histoire de quelques personnes qu’on peut apercevoir sur cette photo demeure encore à ce jour un secret bien gardé. J’ai été contactée récemment par une descendante de la sœur d’Anna Daus, la femme de George Denis. J’aimerais bien que quelqu’un, quelque part, arrive à identifier mes « cousins américains ».

Voici une autre de mes photos préférées. Plutôt ancienne celle-ci aussi, j’estime qu’elle date probablement de 1926, ma mère n’étant pas encore née. Il y a très longtemps de cela, ma mère m’avait mentionné que ces gens étaient de Cohoes. Avait-elle raison? On peut au moins y reconnaître Sam Betournay (dernière rangée, le quatrième à partir de la droite).

pique nique 1920_fixed

Ma grand-mère avec probablement son fils sur ses genoux, à ses côtés, mon arrière-grand-mère avec un bébé dans les bras; au premier rang, au centre, Roger et sa soeur Annette à sa gauche; dernier rang : Arthur Denis, troisième de la droite et Sam Betournay à ses côtés. Qui sont les autres?

Voilà, c’est en quelque sorte une bouteille à la mer. Je serai patiente, je ne suis pas pressée.


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