Elle s’appellera Hélène

— Elle s’appellera Hélène!

Tu m’as raconté si souvent qu’après ta naissance, ton père aurait prononcé ces mots avec fierté en entrant dans la pièce. Tu l’aimais tant ton prénom et tu avais bien raison. Synonyme de douceur et de gentillesse, il t’allait si bien. Dernière d’une famille de sept enfants, tes parents ont dû accueillir ton arrivée avec joie et appréhension puisque tes frères Maurice et Armand sont tous les deux décédés quelques mois avant ta naissance.

Il est évident que tu as été aimée et choyée et que tu as eu une enfance heureuse. Tu adorais tes parents. Tu as perdu ton père alors que tu n’avais que 17 ans. Mais avant ton mariage, tu as eu une relation privilégiée avec ta mère.

Il n’y a même pas deux semaines, nous avons regardé tes albums photos ensemble. Nous l’avons fait si souvent! Comme tu étais fière de tous les voyages que vous aviez faits lorsque tu étais jeune. Quand je t’ai annoncé que j’irais visiter Chicago à la fin août, tu m’as encore une fois parlé du World’s Fair de 1934 où tu étais allée en voiture avec ta famille. Tu n’avais que sept ans, mais tu t’en souvenais très bien.

Tu m’appelais avec tendresse ta compagne de voyage. Comme nous nous sommes amusées! Et que dire de nos virées de magasinage? Comment oublier nos crises de fou rire dans les salles d’essayage des Outlets aux États-Unis? Pendant presque une dizaine d’années, nous sommes allées au Sparhawk à Ogunquit dans le Maine. Je te vois assise sur le balcon, face à la mer, avec soit un bon roman policier soit tes fameux mots fléchés. Chaque année, tu pensais que c’était la dernière fois et tu versais une petite larme. Je te faisais rire en disant : « Ben voyons, arrête-moi ça, j’ai déjà réservé pour l’année prochaine! »

En 2010, j’ai eu l’idée d’aller fêter mes 50 ans à New York. Nous n’étions plus allées depuis 16 ans. Tu as toujours eu peur de l’avion, tu ne l’avais pas pris depuis une vingtaine d’années. Quand je t’en ai parlé, tu voulais y aller en train. Trop long, je t’ai dit. Et puis le vol, on monte et on descend, ça ne durera même pas une heure. La maladie d’Alzheimer a ses bons côtés, le jour du vol, tu avais oublié toutes tes peurs. Lorsque l’avion s’est mis à rouler, tu riais comme si tu étais dans un manège alors que j’étais comme d’habitude terrorisée par le décollage. TU m’as tenu la main.

Nous n’avions aucun projet pour ces quatre jours à New York. En fait, notre seul objectif était d’aller chez Bloomingdales, ce que nous avons fait à notre arrivée. Après cela, nous étions tellement crevées que nous nous sommes endormies. Maman, réveille-toi, il faut que tu manges, il est déjà 8 h (du soir)! On est où? tu me réponds. Tu ne me croiras jamais! Viens voir! Et à la fenêre, vue imprenable sur l’Avenue of the Americas avec ses innombrables taxis jaunes et nous en larmes, tellement heureuses d’être là.

De tous les cadeaux que tu as faits à ta compagne de voyage, ce week-end a été le plus beau. La seule chose que tu as refusée de faire c’est un tour de calèche dans Central Park. Tu avais si peur d’avoir froid. Tu avais toujours froid maman. Au retour, tu l’as regretté et tu m’as dit la prochaine fois, on le fera. Pas grave maman, j’ai lu tout récemment que c’était controversé les promenades à calèche dans Central Park. Il a été parfait ce voyage.

Tu as entrepris ton dernier voyage il y a deux jours maman. Rends-toi bien. Je sais que tu n’as déjà plus mal, que tu n’as plus froid. Va retrouver ton René. Il t’attend avec son sourire en coin. Il n’a jamais été très romantique, mais je sais que pour te faire plaisir, il te chantera la chanson d’Aznavour que tu aimais beaucoup :

« Le ciel tisse une couverture en laine
L´été prépare ses quartiers d´hiver
Mais n´aie pas peur de la froidure, Hélène
Je te réchaufferai, je te réchaufferai
Allons rêver sur les bords de la Seine
S´il reste encore quelques petits coins verts
Et si le fond de l´air est frais, Hélène
Je te réchaufferai, je te réchaufferai »


8 réflexions sur « Elle s’appellera Hélène »

  1. Quel que soit le moment il est dur de continuer la route sans ceux qui ont entamé la nôtre avec nous, mais c’est un peu la leur que nous continuons puisqu’ils restent si présents en notre voie intérieure…
    Que votre chemin et celui des vôtres soient plus jalonnés de roses que d’épines…

  2. C’est un très beau texte Diane, je n’aime pas ces moments car je nai jamais su trouver les mots. Difficile de perdre non seulement une mère mais aussi une complice sans doute, ça se lit dans le texte. Mes pensées sont pour toi ce soir.

    Hervé

    • Mais tu les as trouvés les mots 🙂 merci!

  3. c’est tres beau ce que tu as ecrt c’est vrai qu’helene était douce
    elle aimait rire tout doucement je l’ai bien fait rire,je suis heureuse d e l’avoir vu une semaine avant son decesj’en garde n beau souvenir
    je vous embrasse tous les trois xxxxx

  4. Quel très beau texte, quelle émotion, et quel bel hommage à votre maman. Je suis de tout coeur avec vous. Très amicalement

    • Merci beaucoup Brigitte, votre commentaire me touche beaucoup.

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