Trésor des archives : inventaire après décès de Sophie Arpajou (20 octobre 1851)

Après la lecture de l’inventaire après décès de la communauté de biens qui a existé entre Charles Tourville et Sophie Arpajou, qui a eu lieu le 20 octobre 1851, à St-Hughes, au Québec, après le décès de Sophie, je ne peux qu’imaginer ce qui a conduit Charles à demander cet inventaire.

Peut-être que Charles, qui vivait alors à Chateaugay, dans l’État de New York, a voulu tenir un conseil de famille, se demandant ce qu’il ferait de la terre qu’il possédait toujours à St-Hughes. Ses enfants majeurs, Charles et Sophia, tous deux mariés et vivant au Vermont depuis trois ans n’étaient probablement pas intéressés à tout recommencer au Québec. Ou peut-être la terre était tellement pauvre que cela ne valait même pas la peine d’y penser. Le 25 septembre 1851, Charles se rend à Ferrisburgh pour obtenir de son fils aîné Charles la procuration dont il a besoin pour vendre sa terre. Deux jours plus tard, il frappe à la porte de sa fille Sophie pour la même raison.

Cimetière de St-Hughes

Cimetière de St-Hughes

À l’automne de 1851, Charles se rend donc à St-Hughes, peut-être pour la dernière fois. Il a sans doute séjourné chez Joseph Langevin et sa femme Madeleine Arpajou, soeur de Sophie, à St-Barnabé où Joseph et Madeleine ont leur terre.

Alors que faire? Vendre la terre? Pour ce faire, Charles doit d’abord passer devant un juge afin d’obtenir un acte de tutelle pour ses enfants mineurs. Une demande a été faite le 25 septembre par l’entremise du notaire Timothée Brodeur. Le 10 octobre, devant le juge Jean Casimir Bruneau, de la Cour du Circuit de Montréal, sont élus tuteurs aux six enfants mineurs leur père Charles Tourville en qualité de tuteur et leur oncle maternel par affinité Joseph Langevin en qualité de subrogé tueur.

L’information la plus utile et la plus précieuse contenue dans cet inventaire après décès est la liste des enfants mineurs de Charles et de Sophie ainsi que leur âge au 20 octobre 1851. Veuillez noter que cette liste apparaît dans trois documents différents, tous rédigés à l’automne de 1851 et que l’information est la même d’un document à l’autre.

  • Étienne (Peter Stephen), âgé de 16 ans (né en août 1835, information exacte).
  • Marie-Édesse, âgée de 14 ans (née en janvier 1839, aurait 12 ans et non 14; en raison de la fiabilité de l’information concernant les autres enfants dans cet inventaire, j’en ai conclu que cet enfant n’est pas la “Marie-Édesse” née en 1839 mais plutôt “Dométhilde” née en 1837. Son prénom est Édith, Nettie ou Adesta dans divers documents américains. La vraie Marie-Édesse vivait toujours en 1840 mais elle est probablement décédée en bas âge au Vermont. L’âge de « Dométhilde » aux États-Unis est plus près de 1837 que de 1839. Il n’était pas rare à cette époque pour un enfant de porter le même prénom d’une soeur ou d’un frère décédé en bas âge).
  • Philomène, âgée de 10 ans (baptisée en mai 1841 au Vermont – l’information serait exacte).
  • Julie, âgée de 8 ans (née en octobre 1843 au Vermont selon le recensement de 1900 – l’information serait exacte).
  • Louis, âgé de 6 ans (né en septembre 1844, a eu 7 ans quelques semaines plus tôt – information inexacte).
  • Joseph, âgé de 5 ans (né en avril 1846 – information exacte).

Nous en sommes donc maintenant à la prise d’inventaire effectuée devant Me Timothée Brodeur et son collègue Me Joseph Amiot, notaires publics, Jacques Gendron et Lucien Houle de St-Hughes agissant en qualité d’évaluateurs. L’inventaire après décès se trouve ici et la transcription de cet acte se trouve ici.

À part la terre, les possessions de Charles se résument à bien peu : une jument, un godendard, une scie de long et une somme en espèces de 8 livres et 12 sols. La communauté n’a aucune dette active mais deux dettes passives : sont dus à J. A. Arpajou environ 459 livres pour arrérages seigneuriaux et 36 livres au notaire pour l’inventaire lui-même. Deux documents sont mentionnés : le contrat de mariage de Charles et de Sophie Arpajou daté du 31 août 1827 (date du mariage) passé devant Me Charles Bazin, acte numéro 373 ainsi que l’acte de tutelle daté du 10 octobre 1851.

La terre de Charles était située dans le fief Beauchemin, au nord de la rivière Yamaska, dans le comté de Richelieu, de deux arpents de front sur trente de long, devant la rivière Yamaska, d’un côté à Bazile Richard et de l’autre à François Lussier, par derrière au rang Barrow.

Si cet inventaire n’offre pas d’autres renseignements, d’autres documents, oui. Le récit ne se termine pas ici, la suite bientôt!

Un inventaire après décès était habituellement fait après le décès d’un conjoint alors que lui survivaient un ou des enfants mineurs. Il était habituellement fait avant le remariage du conjoint survivant pour protéger l’héritage des enfants mineurs. Bien entendu, les gens sans biens ni argent n’avaient aucun intérêt à en faire dresser un.

Les enfants de Charles Tourville et de Sophie Arpajou dans le recensement américain de 1850

Avant de vous raconter l’histoire de chacun des enfants de Charles Tourville et de Sophie Arpajou dans les prochaines semaines, j’ai pensé que ce serait une bonne idée de commencer par le début et de vous informer sur le lieu de résidence de chacun d’entre eux après le décès de leur mère en 1850.

Est-ce que la famille vivait au Vermont avant le décès de Sophie Arpajou? Est-elle décédée à Ferrisburgh ou à Vergennes? Nous savons qu’elle a eu des jumeaux en 1848, tous deux ayant été baptisés à l’église St. Mary’s de Burlington (il n’y avait pas de prêtre résidant à Vergennes à cette époque).

Voyons voir. Charles fils a épousé Julia LeClair probablement à Ferrisburgh autour de 1847. Il vivait dans cette petite ville avec sa femme et leur fils de 2 ans, Henry. Philomena, soeur de Charles, âgée de 8 ans (énumérée sous le nom de Meranda), vivait également avec eux.

Recensement de la ville de Ferrisburgh, dans le comté de Addison, au Vermont, en septembre 1850

Recensement américain de la ville de Ferrisburgh, dans le comté d’Addison, au Vermont, en septembre 1850

Sophia Tourville a épousé Joseph Giguère à Ferrisburgh en 1848. Ils y habitaient toujours en 1850 avec leurs 2 enfants, Mary et Edward. Remarquez comment le nom de Giguère a été « massacré »!

Recensement américain de la ville de Ferrisburgh, comté d'Addison, au Vermont, en octobre 1850

Recensement américain de la ville de Ferrisburgh, comté d’Addison, au Vermont, en octobre 1850

Je crois qu’il est fort probable que Charles soit allé vivre avec sa soeur après la mort de Sophie. J’ai trouvé trois enfants habitant au Vermont, quatre autres vivent avec leur père, soit les plus jeunes, Édith, Julia, Louis et Joseph, à Chateaugay, dans l’État de New York.

Recensement américain de la ville de Chateaugay, dans le comté de Franklin, dans l'État de New York, 2 août 1850

Recensement américain de la ville de Chateaugay, dans le comté de Franklin, dans l’État de New York, 2 août 1850

Seul Peter Stephen (ou Étienne), âgé de 15 ans, manque à l’appel. Je suis pas mal convaincue qu’il vivait également au Vermont. Comme il était plus âgé, il travaillait probablement comme journalier dans la région et peut-être était-il chambreur et qu’il n’a pas été recensé.

Le recenseur ne prenait pas toujours ses renseignements directement auprès des membres de la famille. Ce sont souvent les voisins qui donnaient les renseignements alors les erreurs de noms ou l’inexactitude de l’âge des personnes recensées étaient plutôt monnaie courante.

 

52 ancêtres en 52 semaines : #7 – Sophie Arpajou (1811-avant 1850)

Nous avons tous une famille chouchou dans notre arbre, vous savez, celle sur laquelle on revient sans cesse parce qu’on espère trouver un petit quelque chose de nouveau. Sophie Arpajou n’est pas mon ancêtre, plutôt une lointaine cousine mais je me suis attachée à elle. 😉 J’aurais pu choisir son mari Charles Tourville pour cet article, mais tant de choses ont déjà été écrites sur lui. Place à la femme!

Tout d’abord, laissez-moi vous raconter comment j’en suis venue à faire des recherches plus poussées sur Sophie. C’était il y a longtemps, 15 ans peut-être, avant même que je n’apprenne l’existence des recensements américains, d’Ancestry, etc. Une nuit, alors que je travaillais très tard au bureau, en attendant l’approbation d’un document, pour m’aider à me tenir éveillée, je me suis mise à surfer sur Internet (pas d’Internet à la maison à cette époque). Devinez ce que j’ai fait ? Eh bien, j’ai tapé mon nom de famille bien entendu! Je faisais déjà de la généalogie à ce moment-là, travaillant sur la descendance de Mathieu Hubou et beaucoup de familles semblaient s’être volatilisées. Comme la recherche en ligne était quasi inexistante à cette époque, je devais consulter chaque répertoire de paroisse, la plupart d’entre eux ne comprenant que les mariages. Vous comprenez donc que j’avançais à pas de tortue étant donné le peu de temps que je pouvais consacrer à la généalogie. Je me souviens encore de la salle Gagnon, le samedi matin, à attendre mon tour avant de pouvoir mettre la main sur un lecteur de microfilms, et encore, pour seulement une heure. Ai-je besoin de dire à quel point le dépouillement des recensements canadiens prenait énormément de temps?

Donc, comme je le disais, j’étais au bureau, je surfais sur Internet et j’ai vu sur un forum de généalogie américain que quelqu’un cherchait des renseignements sur Antoine LaCount, marié à Catherine Tourville. J’ai donc envoyé un courriel à cette personne, Clay LaCount, à 2 h du matin et, à ma grande surprise, j’ai obtenu une réponse presque immédiatement (je n’avais pas réalisé qu’il vivait sur ​​la côte Ouest). Il me mentionne que le frère de Catherine, Charles Tourville, ainsi que ses enfants, vivaient avec les LaCount à Chateaugay, dans l’État de New York en 1850. Que selon ce qu’on raconte dans sa famille, les LaCount s’installent d’abord à Vergennes, au Vermont, à environ 200 km au sud de St-Hughes, à la fin des années 1830, mais qu’ils se sont ensuite dirigés vers Chateaugay à la fin des années 1840. Comme je le disais dans un article précédent, c’est ainsi que j’ai été initiée à la recherche généalogique aux États-Unis.

Qu’est-ce que je connais de Sophie? Elle est née en 1811 à St-Hyacinthe. Son père, Étienne Arpajou, a perdu en 1804 sa première épouse, Marie-Françoise Laprée, alors mère de cinq enfants. La mère de Sophie est Madeleine Plourde qui a épousé Étienne en 1805. Outre ses cinq demi-frères et sœurs, Sophie a 3 frères et sœurs. Sophie a épousé Charles Tourville en 1827 à l’âge de 16 ans. Au moment de leur mariage, Charles a acquis une terre dans ce qui allait devenir St-Hughes.

Arpajou fam FRE

Sophie semble avoir vécu à St-Hughes jusqu’aux environs de 1837. Après, la famille s’installe au Vermont. Seulement au cours de l’hiver d’abord, Charles travaillant probablement sur une ferme ou dans les usines de la région en tant que journalier comme le faisaient tant d’autres Canadiens-français à l’époque. Leur migration a-t-elle été influencée par les rébellions de 1837-1838? C’est fort probable.

Leur fille Domithilde Tourville est née le 16 février 1839 mais elle n’a été baptisée que quelque cinq mois plus tard au Québec. Il est fort possible qu’elle soit née au Vermont. Une autre fille, Philomène, a été baptisée à Burlington, en 1841. Julia serait née vers 1843, également au Vermont. Deux fils, Louis et Joseph, nés respectivement en 1844 et 1846, sont nés et baptisés au Québec. Fait intéressant, en 1844, pour le baptême de Louis, le père est absent. J’ai trouvé tout récemment deux enfants, baptisés la même journée, probablement des jumeaux, en 1848 à Burlington. Sophie a donc eu 13 enfants dont 8 ont atteint l’âge adulte.

J’ai toujours pensé que Sophie Arpajou était décédée à Chateaugay comme Charles vivait là en 1850 avec certains de ses enfants. Je crois plutôt qu’elle est décédée au Vermont. Peut-être est-elle décédée peu de temps après la naissance des jumeaux? Peut-être que Charles est allé habiter chez sa soeur pour avoir de l’aide pour ses enfants?

Arpajou map FRE

Ce que nous savons pour sûr c’est que les jumeaux n’ont pas vécu longtemps puisqu’un document, rédigé en octobre 1851, concernant la vente de la terre de Charles à St-Hughes et qui, selon la description qui en est faite, semble abandonnée depuis longtemps et la maison, dans un état pitoyable, atteste du décès des jumeaux avant 1850. Dans un acte de tutelle lié à cette vente, Charles donne la liste de ses enfants vivants qui sont Charles, Sophie, Étienne, Marie-Édesse, Philomène, Julie, Louis et Joseph.

Trouver tous les enfants de Sophie Arpajou n’a pas été une sinécure. Au cours des huit prochaines semaines, je consacrerai un article à chacun des enfants qui ont atteint l’âge adulte. Trouver des informations sur chacun d’eux était une aventure en soi (et elle est loin d’être terminée), alors ne manquez pas la suite!

Le nom Arpajou est très rare. Parfois orthographié Harpageau ou Arpageau, il semble avoir disparu. Je sais pertinemment que le neveu de Sophie, marié deux fois dans le Vermont, mais introuvable dans les recensements, y a résidé un certain temps et a eu plusieurs enfants. Si vous connaissez le nom « américanisé » pour cette famille, laissez-le moi savoir!

Participer à #genchat ou comment retrouver un article de journal par hasard

A toutes les deux semaines, le vendredi soir je participe à #genchat qui est une initiative de Jen Baldwin. Ce chat consacré à la généalogie, qui se déroule en anglais sur Twitter, est un bon exemple d’entraide pour qui fait des recherches aux États-Unis. Depuis le début de l’année, Jen a décidé de nous donner des « devoirs ». Celui d’il y a 2 semaines consistait à revisiter un document déjà en notre possession. Avions-nous oublié des détails? Avions-nous lu trop vite?

Mon horaire de travail au bureau m’a tenu loin de la généalogie et ce soir, je me préparais à trouver un sujet pour le défi 52 ancêtres en 52 semaines et en fouillant dans mes courriels j’ai retrouvé un article consacré à Charles Tourville (né en 1828 au Québec) et habitant à Chateaugay, N.Y. concernant une poursuite ayant trait à l’acquisition d’un terrain. Ce courriel date d’il y a trois ans et comme à cette période j’ai été malade pendant trois mois, je ne me rappelais plus du tout l’avoir reçu! Eh! bien, je crois avoir fait mon devoir pour #genchat! Cet article date du 19 septembre 1861. Je me promets de bien l’étudier et de faire des recherches supplémentaires pour faire la lumière sur l’issue de cette poursuite intentée par Charles Tourville.

Beaucoup d’Américains me demandent pourquoi les Tourville qui habitaient à Chateaugay, dans l’État de New York s’appelaient DeTourville. Je leur ai toujours répondu que je croyais qu’il s’agissait probablement du « dit » Tourville. En fait, je crois que c’est la première fois que je vois écrit Hubou (Ebou dans ce cas-ci) dans un document américain). Je crois que mon explication se tient.

Le fruit de mes recherches me permettra d’en faire un article pour le défi 52 ancêtres en 52 semaines au cours de l’année (je crois bien que je devrai me rendre à Malone dans l’État de New York pour avoir plus de renseignements sur cette poursuite).

Malone (NY) Frontier Palladium, Thursday September 19, 1861