Des faits (pas si) divers — Médard Tourville (1822-1872) : Sa disparition des registres expliquée

Le nom de Médard Tourville figurait depuis bien trop longtemps sur ma liste de disparitions célèbres. Je savais néanmoins qu’il était décédé entre 1871 — son nom apparaît dans le recensement canadien de cette année-là — et août 1873, moment où son fils Olivier se marie.

Le chat est sorti du sac grâce à un article paru dans le quotidien Ottawa Daily Citizen!

Pour vous situer, Médard est né à Lachenaie le 7 juin 1822 du mariage de Louis Tourville et d’Élisabeth Lamoureux. Sa famille — l’une des premières du clan Hubou-Tourville à s’installer à Montréal — est énumérée dans le recensement canadien de 1842 à Montréal.

Charpentier de son métier, Médard épouse Émilie Moyen le 29 janvier 1844 à la paroisse Notre-Dame de Montréal. Le couple a eu dix enfants, dont quatre atteindront l’âge adulte : Alphonse, marié à Valérie Rose le 21 octobre 1867 (ils ont émigré au Nebraska quelques années plus tard); Émilie, qui — le même jour que son frère — unissait sa destinée à John Leathead; Olivier, qui, bien que marié deux fois, ne laissera aucune descendance; et Amédée, qui marié deux fois, n’a eu des enfants qu’avec sa seconde femme, Georgiana Vincent.

Veuillez noter que l’article mentionne qu’il était de Saint-Jean-Baptiste, près de Québec, mais il s’agit plutôt de l’ancien village de Saint-Jean-Baptiste — à l’époque un village de la banlieue de Montréal, aujourd’hui un quartier situé au cœur de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal — où la famille vivait.


Ottawa Daily Citizen, Ottawa, Ontario, Canada,
le mardi 22 octobre 1872

La thèse du suicide est envisagée

Disparition soudaine d’un bûcheron durant une crise de delirium tremens
Encore un texte pour un sermon sur la tempérance

Le 3 octobre dernier, un convoi d’hommes embauchés par les frères Hamilton, en vue de travailler sur leur chantier aux abords de la rivière Dumoine pour l’hiver, est arrivé sur le site de la compagnie. L’un d’entre eux, un robuste Canadien français appelé Médard Tourville, a bu tout le long du trajet vers Ottawa — déjà ivre au moment où il a quitté cette ville, il l’est resté jusqu’à ce qu’il atteigne le chantier. La nuit de son arrivée au chantier, il montrait des symptômes de delirium tremens; l’écume aux lèvres, il injuriait les démons imaginaires qui le hantaient. On instaura une veille afin d’éviter qu’il ne s’inflige des blessures ou encore qu’il ne blesse ses collègues. Demeuré éveillé toute la nuit, il semblait en proie à une terreur mortelle de quelque monstre imaginaire. Au matin, celui-ci leur paraissant un peu plus calme, les bûcherons relâchèrent leur surveillance. Profitant du moment où ces derniers prenaient leur petit-déjeuner, il s’est enfui et on ne l’a plus revu depuis. Aussitôt sa disparition constatée, ses collègues organisèrent une battue, sans succès, jusqu’à ce que, une semaine plus tard, son chapeau soit localisé dans le bois, près de la rivière. On présume que le pauvre homme s’est jeté dans la rivière afin d’échapper aux démons qu’il imaginait à sa poursuite, et que son corps gît dans quelque fosse tout au fond de la rivière. Après avoir cherché son corps en vain durant onze jours, on communiqua par télégramme la terrible nouvelle à Mme Tourville, qui habite dans le village de Saint-Jean-Baptiste près de Québec. [Traduit de l’anglais par Danielle Tourville]