Abraham Sorrell (4)—Le recensement américain de 1850 pour Ferrisburgh ne dit pas tout

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Abraham Sorrell, décédé des suites des blessures subies lors de la bataille de Wilderness durant la Guerre civile en mai 1864, s’est marié trois fois. Son dossier de guerre civile nous brosse un portrait inestimable des gens qui vivaient à Ferrisburgh en 1850 et au-delà.

Maintenant que vous avez pris connaissance du témoignage laissé par sa première femme, Eliza Sears, sa deuxième, Eliza Carpenter, et sa belle-soeur, Catherine Palmer, soeur d’Eliza Carpenter, lisons maintenant celui de son cousin Oliver Sorrell, mon préféré, celui-là. Ce témoignage contient tellement de détails. Je me répète mais je suis littéralement fascinée par cette histoire. Comme si les pages du recensement de Ferrisburgh prenaient vie!

À la conclusion de cette série, je publierai une courte biographie de chaque personne concernée par cette histoire. Bonne lecture!


En ce premier jour d’octobre 1881, à North Ferrisburg, comté d’Addison, État du Vermont, devant moi, Wm Hutchinson, agent spécial du Bureau des pensions, a comparu personnellement Oliver Sorrell, qui, étant dûment assermenté par moi tel que requis par la loi, déclare qu’il est âgé de 56 ans, qu’il réside à North Ferrisburg, comté d’Addison, État du Vermont,et qu’il est le cousin d’Abram Sorrell, ancien soldat de la Co. B 5e Régiment des volontaires du Vermont, et qu’il vit dans ce pays depuis juillet 1849, moment où il a quitté le Canada, et les deux premières semaines après qu’il est venu ici, n’ayant pas d’endroit où habiter, il a logé dans la famille de son oncle Mitchel Sorrell, qui était le père d’Abram, Abram vivait également avec son père à cette époque. Le déposant a rapidement été au courant des faits : qu’Abram était marié avec Eliza Sears, mais qu’il ne vivait pas avec elle—qu’elle était beaucoup trop vieille pour lui de toute façon—que ladite Eliza sa femme avait alors un bébé âgé d’environ deux mois tout comme il se souvient qu’on appelait celui-ci Napoleon—ils l’appelaient toujours « Paul »et que c’était l’enfant d’Abram, même s’il est né peu de temps après son mariage. Abram l’a toujours mentionné comme étant son fils—et personne ne mettait sa parole en doute. Abram partait travailler loin de chez lui, mais laissait ses vêtements à la maison—ou bien considérait la maison de son père comme la sienne pour trois ou quatre ans, et n’avait pas d’autre résidence. Il prétendait n’avoir plus rien à voir avec Eliza Sears, bien qu’il avait été marié légalement avec elle. La mère d’Abram n’a jamais aimé personne de cette famille Sears et les deux familles étaient françaises. Abram s’était séparé d’Eliza avant que le déposant vienne ici en juillet, après leur mariage en janvier, et ils n’ont jamais ouvertement vécu ensemble en quelque occasion que ce soit. La mère d’Abram considérait la famille Sears pas assez bien pour elle, et par ailleurs, Eliza était trop vieille pour Abram, qui était jeune, pas plus de 17 ans comme le pense le déposant. Le déposant n’a jamais entendu dire qu’Abram buvait trop, ou qu’il puisse avoir été sous l’effet de l’alcool quand il a épousé cette femme. Abram lui-même ne l’a jamais prétendu, mais sa mère a toujours prétendu que c’était Eliza qui était à blâmer—étant la plus âgée, elle aurait dû faire preuve de sagesse, mais Abram n’a jamais dit un mot contre Eliza, et la séparation avait eu lieu à cause de ce que les vieux racontaient, pense le déposant. Durant la première ou la deuxième année, lesdits Abram et Eliza vivaient à un ou deux milles l’un de l’autre, et de l’avis général, ils avaient l’habitude de se rencontrer occasionnellement. Abram lui-même disait qu’il la voyait parfois. Le déposant est certain de cela puisqu’ils en parlaient ensemble. Environ un an après que le déposant soit venu ici, c’est-à-dire durant l’été 1850, ladite Eliza a donné naissance à un autre enfant, une fille appelée Mary—Le déposant, après avoir consulté sa femme, est d’avis qu’il y avait environ 16 mois d’écart entre la naissance de Napoleon et celle de Mary. Peut-être un peu moins, mais il est certain que ce n’est pas loin de la vérité.

L’identité du père de Mary faisait l’objet de spéculations parmi les gens et tout spécialement dans la famille Sorrell, étant donné qu’Abram et Eliza ne vivaient pas sous le même toit. La mère d’Abram prétendait que ce n’était pas son enfant parce qu’elle n’aimait pas Eliza, et le déposant a entendu Abram dire une fois que l’enfant n’était pas le sien, mais plus tard, et à vrai dire seulement quand il était de bonne humeur, il reconnaissait que Mary était sa fille, et le fait, aussi bien à l’époque que depuis tout ce temps, n’a jamais sérieusement été remis en question. Napoleon, le fils, ressemblait tellement à son père, Abram, que vous ne pouviez réussir à les différencier seulement qu’en raison de leur âge respectif et Mary, la fille, ressemble beaucoup à Sophia, la soeur d’Abram. La ressemblance familiale donc est évidente dans les deux cas.

Il ne peut y avoir de doute concernant la légalité du mariage d’Abram Sorrell et Eliza Sears, et il est de l’opinion générale que Napoleon et Mary sont leurs enfants légitimes; le premier est né en 1849 et l’autre, durant l’été 1850. Pour ce qu’il en sait jusqu’à maintenant, le déposant considère que l’épouse, Eliza, a bon caractère; seule la mère d’Abram médisait sur son compte.

Avant la guerre, Abram n’habitait pas très loin, mais il travaillait en ville pour Hiram Perry, la plupart du temps. Perry est décédé maintenant. Il vivait plus ou moins à Vergennes, mais pas hors du comté, croit le déposant. Il a épousé une autre femme à Vergennes dont le nom était Carpenter après un moment et l’opinion générale à son sujet était qu’elle était une « maudite putain ». Abram a ramené cette femme à la maison, en fait chez son père, mais n’y est pas resté longtemps. Le déposant ignore ce que ses parents pensaient de tout cela, mais après Abram a tenté de tenir maison ailleurs avec la Carpenter; il était en mauvaise posture après avoir quitté son père. Les voisins ne toléraient plus cette situation et ils l’ont chassé de la ville parce qu’ils ne voulaient pas d’une telle femme et que cela les concernait. Cette situation a perduré jusqu’au moment où Abram s’est enrôlé. Il en arrachait, mais de là à quitter l’État avant de s’enrôler, le déposant n’est pas prêt à l’affirmer; il sait seulement que s’il est parti, cela a dû être pour une brève période.

Durant ce temps, alors qu’Abram vivait avec la Carpenter, Eliza Sears était en ville la plupart du temps, mais elle a passé un peu de temps au Canada et elle a commencé à vivre avec un dénommé Moses Garrin quelques années avant la guerre; le déposant suppose qu’ils étaient mariés. Tout le monde suppose qu’ils étaient mariés à l’époque et ils vivent toujours ensemble. Le déposant sait que le premier enfant de ladite Eliza Sears et de Moses Garrin a vu le jour il y a plus de 22 ans, car elle est décédée il y a environ deux ans et l’âge de son décès, tel que gravé sur sa pierre tombale, est 20 ans. Le déposant a assisté aux funérailles et a pu voir sa pierre tombale et lesdits parents étaient mariés, ou réputés l’avoir été, avant que ladite enfant Eliza naisse. Le déposant est certain qu’Eliza Sears (ou Sorrell), était mariée avec Garrin, et qu’elle avait eu un ou des enfants avec lui, avant qu’Abram ne décède—Donc ils étaient quittes en ce que tous les deux se sont remariés sans avoir obtenu de divorce au préalable. Le déposant n’a jamais entendu parler de divorce entre Abram Sorrell et Eliza Sears et il est convaincu qu’il n’y en a pas eu. Le déposant se souvient avoir entendu Abram parler de divorce—et dire que ça lui coûterait environ vingt-cinq dollars pour en obtenir un et que jamais il ne pourrait obtenir assez d’argent pour se le permettre. Il a donc dû se tourner vers des femmes plutôt faciles—et le déposant ne s’intéressait pas trop à lui à l’époque. Michael, le frère d’Abram, tenait une maison de débauche à Vergennes et Abram avait l’habitude d’y aller, c’est comme ça qu’ont commencé les mauvaises fréquentations. C’est là qu’il a connu la fille Carpenter.

Le déposant pense être au courant de la situation d’Abram aussi bien que n’importe qui en ville—et il a maintenant consulté sa femme sur plusieurs points—tels que les dates. Il pense que John Sears de cette ville—un frère d’Eliza est bien au fait lui aussi de ce qui est allégué ici—

Hiram Perry et Phebe Hurlburt sont morts tous les deux. John Martin habite à Middlebury. Mitchell Sorrell, le père d’Abram, habite maintenant à Shelburne, et sa femme, la mère d’Abram, est morte.

et il déclare en outre qu’il n’a aucun intérêt, direct ou indirect, dans la réclamation des [enfants] mineurs d’Abram Sorrell pour l’obtention d’une pension; et n’ajoute rien de plus

Témoin

Charles O. Sorrell

         Oliver Sorrell, déposant (sa marque)

Déclaré sous serment devant moi ce premier jour d’octobre 1881, et je certifie que le contenu des présentes a été porté en entier à la connaissance du déposant avant qu’il n’y appose sa signature.

Wm Hutchinson, agent exa. spécial


♥ Un remerciement bien senti à Danielle Tourville pour la transcription et la traduction des documents.

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