Le registre des sépultures de l’église Notre-Dame de Montréal regorge d’entrées toutes plus laconiques les unes que les autres. Cependant, certaines nous réservent quelquefois des surprises, comme celle du 3 juillet 1857 concernant Josephte Cantin.
« Le trois juillet mil huit cent cinquante sept, je prêtre soussigné ai inhumé Josette Cantin, épouse de Michel Tourville, bourgeois, tuée le vingt-six juin dernier, dans l’incendie du steamer Montréal, de cette paroisse. »
L’édition du 1er juillet 1857 du journal La Minerve nous en apprend un peu plus sur cette tragédie. Le bateau à vapeur Montreal a pris feu sur le fleuve Saint-Laurent, à un mille en amont de Cap-Rouge, le vendredi 26 juin, vers 17 h, soit environ une heure après son départ du port de Québec. Il se dirigeait vers Montréal.
McCord Museum, Gravure – Bateau à vapeur – M991X.5.659
Le bateau transportait environ 400 à 500 passagers, pour la plupart immigrants écossais qui venaient tout juste de quitter le Mackenzie en provenance de Glasgow. Un autre bateau à vapeur, le Napoléon, a réussi à porter secours à une centaine de passagers. Les autres sont morts brûlés ou noyés. Le Napoléon et le Montreal ont quitté Québec presque en même temps. Lorsque l’incendie s’est déclaré à bord, le Napoléon a pu rebrousser chemin pour ensuite s’approcher du Montreal et procéder au sauvetage des passagers. Pendant ce temps, le capitaine du Montreal a tenté de rediriger son bateau vers le rivage, mais celui-ci a plutôt heurté un rocher. De nombreux passagers se sont jetés à l’eau, mais comme ce rocher était isolé, la plupart d’entre eux ont péri noyés.
Les corps récupérés par le Napoléon ont été transportés à la morgue de Pointe-St-Charles. Une foule immense attendait l’arrivée du bateau au port où une forte présence policière avait été déployée afin d’éviter tout mouvement de panique ou de confusion. Les gens grièvement blessés ont été transférés aux hôpitaux; d’autres, plus chanceux, n’ayant subi que de légères blessures, ont été accueillis par différents organismes de bienfaisance qui les ont conduits aux Halles des immigrants sur la rue des Commissaires où des membres des églises catholiques et protestantes les ont pris en charge.
Il était maintenant établi que c’était les chaudières du Montreal qui avaient provoqué l’incendie. Ce type d’incident s’était d’ailleurs déjà produit à quatre ou cinq reprises depuis le début de la saison. Le journal fait état de nombreux naufrages dans les années qui ont précédé ce drame et jette le blâme sur la négligence des transporteurs. On réclame une enquête tout en déplorant le fait qu’elle ne donnerait lieu à aucun changement.
On ne peut qu’imaginer l’ampleur du chagrin de son mari, Michel Tourville, qui a dû identifier le corps de sa femme. Que faisait Josephte Cantin à bord du Montreal? Nous ne le saurons probablement jamais.
Josephte Cantin avait épousé Michel Tourville le 10 juillet 1815, à Lachenaie, à l’âge de 16 ans. Le couple a eu 16 enfants. Michel Tourville est décédé en 1860.
